Quelques jours, beaucoup de vies, des ruisseaux d’émotions nous séparent des tragiques événements du 13 novembre. Nos pensées se tournent vers les familles endeuillées et nous adressons notre compassion la plus profonde à celles et ceux qui demeurent dans la souffrance.
Nous sommes tous blessés par chaque vie volée, chacune dans son unicité, dans son humanité, immense, merveilleuse et en devenir, conscients que ces voleurs de vie auraient pu cueillir la nôtre. Nous portons dans nos cœurs, dans nos esprits, les marques des blessures que d’autres portent sur leur corps, lucides que les balles de la haine auraient pu dessiner la barbarie sur nos peaux bretonnes.
Nous sommes tous touchés par ces actes inqualifiables qui ambitionnent d’exécuter les principes fondateurs de notre identité : le partage, l’échange, l’enrichissement de nos différences, la fraternité, l’ouverture sur le monde, l’humanité, la liberté.
Notre week-end breton s’était modestement paré de ces beaux principes, vendredi soir sous l’égide d’Astour, à travers les voyages proposés par les contes d’Alim, Ernest, Jean-Pierre, Jacky, Pascal ou Raphaël en mémoire à notre mémoire humaniste que représentait Albert POULAIN.
Samedi matin, le cœur en berne, des émotions dans les yeux et en dessous des poches de tristesse, nous tentions de faire bonne figure en préparant notre « fête de nuit », en décorant notre salle de « spectacle vivant « à vivre »», en disposant les notes de « musique à danser, à partager », en installant nos « lumières de vie »…
Sans trop le partager, nous nous interrogions sur nos capacités à tous, dans la journée et dans la soirée, à préparer au mieux, à accueillir avec le sourire, à se déplacer à CHAVAGNE, à danser avec plaisir ou à jouer avec enthousiasme… mais habités par l’envie et le besoin de maintenir l’événement en modeste réaction aux pourfendeurs de « bonheurs simples ».
Nos positionnements moraux et affectifs généreux allaient se confronter bientôt aux principes de réalité, de sécurité et de responsabilité. Invités par notre municipalité à une réunion de « crise », pendant laquelle deux heures d’échanges éclairés par les directives de la préfecture ont conduit nos cinq élus et nos trois représentants de l’association à décider collégialement à un report de notre fest-noz à une date ultérieure.
Décision extrêmement difficile à prendre, dans la mesure où se mélangeaient dans nos esprits groggys les principes de précaution, de réalité, de réalisme, le deuil national, notre compassion pour les victimes et leur famille, notre investissement important pour la réussite de cette soirée, nos engagements financiers, notre volonté de rester debout et fiers de nos propositions culturelles face à ces indicibles violences.
Le soir, après le démontage et le rangement, autour d’un verre et de quelques crêpes, entre bénévoles de l’association, nous avons tenu à témoigner à notre façon et modestement, notre solidarité et notre compassion aux victimes de la veille et à leur famille… un silence recueillant, puis un peu de musique, quelques pas de danse pour conjurer l’inhumanité, pour affirmer notre refus de la violence, pour nous resserrer et libérer nos émotions.
Nous tenons à exprimer nos excuses les plus sincères pour la gêne occasionnée, à ceux qui n’ont pu obtenir l’information du report et qui se sont déplacés, à ceux qui auraient voulu adoucir leurs pensées et partager ce moment, à ceux qui auraient souhaité manifester à travers cette rencontre les valeurs humaines que nous recherchons dans nos activités culturelles. Mais nous savons que nous pouvons compter sur votre compréhension et votre solidarité.
Ce fest-noz aura lieu à un autre moment, le plus tôt possible si nous réussissons à conjuguer l’ensemble des paramètres nécessaires à la réussite d’un tel évènement, l’an prochain le 12 novembre le cas échéant. Ce soir-là, nous aurons une pensée particulière pour les victimes, les blessés, leur famille et nous affirmerons par le partage autour de la danse, de la musique bretonne, notre attachement sans faille à nos valeurs que nous martelons encore comme simple réponse à ces actes … Vivre simplement nos activités associatives pour vivre au quotidien le partage, l’échange, l’enrichissement de nos différences, la fraternité, l’ouverture sur le monde, l’humanité, la liberté et… l’Espérance.